1.Georges GACON: Le 3,6s, le 36s-36s et le 36s-24s
C’est en 1978 que j’ai introduit l’intermittent 30s-30s dans les entraînements de mes coureurs de demi-fond, à l’époque personne ne connaissait ce type d’entraînement, on pratiquait essentiellement l’intervall-training de Gerschler.
La particularité de ces exercices dit “intermittents”, c’est tout d’abord de se courir à un niveau d’intensité suffisant pour solliciter la VO2max,avec H. Assadi nous avons choisi de dénommer ce niveau d’effort, autrement dit cette vitesse: la VMAi, (i pour intermittente) puisqu’il s’agit de la vitesse réussie lors du dernier palier du test intermittent 45s-15sFIT.
Ce type d’effort réalisé dans des conditions aérobies maximales, est permis à la fois par l’oxygène apporté par la circulation et aussi par celui qui est en réserve dans la myoglobine intramusculaire et qui possède l’avantage d’être utilisable sans délai d’attente.
Lors du 30s-30s, les physiologistes scandinaves dont P.O Astrand ont montré que la moitié de l’oxygène utilisé provient de la myoglobine et l’autre moitié de la circulation, ainsi il n’y a pas lieu de faire appel à la glycolyse anaérobie, l’effort est parfaitement aérobie. Après ces 30 secondes à VMAi, il faut une période de récupération, également de 30 secondes, dont l’utilité sera à la fois de reconstituer cette réserve locale d’oxygène mais aussi d’assurer en partie la resynthèse de la créatine phosphate (CP) et du stock d’ATP, utilisés au cours des 30 secondes de course.
La période de récupération doit également permettre de maintenir le niveau de sollicitation du système aérobie, à un niveau le plus élevé possible, en d’autres termes, si la récupération est nécessaire elle doit néanmoins être juste suffisante. Le suivi de la fréquence cardiaque est recommandé pour apprécier la qualité du niveau de sollicitation. En effet une récupération plus longue aurait pour effet d’abaisser le niveau de la charge. L’intermittent 30s-30s, qui alterne des périodes de 30 secondes de course à VMAi avec des périodes de récupération ( active, passive ou mixte) de 30 secondes, apparait comme une forme d’équilibre particulièrement pertinente pour atteindre l’objectif de solliciter le système aérobie, dans une zone comprise entre 90% et 100% de VO2max.
C’est pourquoi nous qualifions souvent l’intermittent 30s-30s de prototype des exercices intermittents ou encore l’intermittent standard, à partir duquel d’autres déclinaisons peuvent être envisagées, avec des effets légèrement différents, des pratiquants de niveaux différents, voir même des objectifs différents. L’intermittent 30s-30s occupe une place centrale dans notre système d’entraînement car c’est la forme la plus adaptée à la combinaison optimale entre l’intensité et le volume de travail, et ce, quel que soit le niveau de pratique du sportif. Chez des sportifs d’élite la course à VMAi peut être remplacée par des exercices de pliométrie lorsque l’on veut développer la force de l’appui et l’explosivité.
La figure ci-après montre la multitude d’exercices intermittents qui seront choisis selon l’objectif que l’on recherche.
Figure 1: Classification fonctionnelle des exercices intermittents
Les exercices intermittents s’appuient sur la formule Vitesse (m/h) =𝐃𝐢𝐬𝐭 (𝐦)/𝑻𝒆𝒎𝒑𝒔(𝐬).
Lors des entraînements intermittents la vitesse de course (l’intensité) est transposée en distance à parcourir. D (m) = V (m)/3600 X T (s), dans ces conditions la division par 3600 ne donne pas des distances faciles à mémoriser, par exemple:
30s/30s à 15,5km/h soit 30 X 15500m / 3600 d=129,2 m
30s/30s à 20 km/h soit 30 X 20000m / 3600 d=170,8 m
Nous avons ajouté dans le SportbeeperPRO (contact@sportbeeper.com), un outil sous forme de tableur qui donne les distances à parcourir en fonction de chaque vitesse: “l’odomètre” c’est un véritable assistant mathématique et technique pour l’entraîneur.
En choisissant une durée de 36s/36s, la formule se résume à une simple multiplication par 10 pour obtenir le nombre de mètres à parcourir en 36s, rien de plus élémentaire, ou inversement en divisant par 10 la distance parcourue on obtient la vitesse.
Pour réaliser en 36s un effort à 15,5 km/h (multiplié par 10) d=155 m
Si je cours 155 m en 36s (divisé par 10) ma vitesse est de v= 15,5 km/h
2.Le 36s/36s en milieu scolaire
Dans l’entraînement sportif des clubs, le 30s/30s prédomine. Mais, dans le milieu scolaire, les enseignants d’EPS utilisent le 36s/36s: d’abord parce qu’il est plus facile à matérialiser sur le terrain, ensuite la distance parcourue est facile à convertir en VMA et enfin il n’est pas éprouvant pour les élèves, surtout quand la récupération est passive.
Courir 36 secondes ou 30 secondes à VMAi ne change pas grand-chose au niveau de la difficulté de l’effort; par contre, les 36s de récupération passive abaissent nettement le niveau de sollicitation globale du système aérobie. Avec des non spécialistes il est parfaitement adapté.Si vous vous référez au 45s-15sFIT pour définir les vitesses de course, nous vous recommandons de choisir: VMAi – 1 Km/h ou VMAi – 2 Km/h. Si vous vous référez au VamEval pour définir les vitesses de course, nous vous recommandons de choisir: la VMAc. Dans tous les cas ajustez vos allures en fonction de la tolérance des élèves à l’effort.
Pour info VMAc = VMAi – 2 km/h environ.
3.Le 36s/24s, une variante exigeante.
Ce type d’intermittent, offre, comme le précédent, la simplicité du calcul des distances en fonction des VMAi des sujets et avec une durée totale de 60 pour la séquence “effort-récupération” ce qui facilite la gestion des groupes de niveaux avec un chronomètre, mais la réduction de la durée de la récupération à 24 secondes hausse notablement la charge globale (charge interne).
En comparaison avec le 30s-30s il est nettement plus difficile, nos enregistrements de la fréquence cardiaque montrent qu’elle est maintenue à un niveau beaucoup plus élevé. En conséquence ce type d’effort exige un bon niveau de pratique et de condition physique, donc plutôt avec des sportifs de clubs, et de bien vérifier que les sportifs sont aptes.
Durée optimale d’un bloc de 36s/36s Il faut être capable d’enchaîner au moins 6 ou 10 fois, pour avoir un impact aérobie optimal, soit des durées comprises entre 7, 8 et 12 minutes (10 X36s/36s). La règle est simple: les élèves doivent être capables de réaliser la même distance à chaque répétition, si ce n’est pas le cas c’est que la vitesse est trop élevée et dans ce cas il faut l’ajuster au niveau de pratique. Variante: on peut demander de répéter les séquences autant de fois que l’on est capable de réussir la même distance
4.L’intermittent en base 3,6 s
Lors de la réalisation des exercices intermittents, il est nécessaire de maitriser l’allure ou le tempo tout au long de l’effort et que celle-ci soit régulière. En émettant des temps de passage cela permet aux élèves scolaires, aux sportifs débutants, de réguler la vitesse de déplacement. En rythmant la durée de l’effort toutes les 3,6 s il est facile d’ajuster sa vitesse de déplacement par rapport aux repères au sol et avoir une régularité parfaite. L’avantage majeur du 3,6 s, est sa polyvalence, car vous pouvez faire travailler en même temps des élèves ou des sportifs de niveaux différents, seules les distances à parcourir sont différentes.
Il peut même être utilisé pour réaliser un échauffement progressif. Le Sportbeeper Pro possède le programme permettant d’émettre des bips intermédiaires toutes les 3,6 secondes au cours de la séquence intermittente. Cette aide auditive est particulièrement commode pour doser finement la vitesse de déplacement et d’avoir une vitesse constante et dosée. La mise en place des repères au sol, (cônes), est très simple puisque les distances ainsi étalonnées en mètres correspondent à la vitesse d’entraînement en Km.h-1
(10m=10 km.h-1).L’odomètre, véritable assistant coach, vous indique le nombre de cônes à placer, la distance entière entre les cônes ainsi que la distance totale parcourue
5.Mise en pratique sur le terrain.
Elle est extrêmement simple, puisque la distance entre chaque intervalle correspond à la vitesse en km/h.
Figure 6 : exemple de matérialisation au sol de l’intermittent cadencé en base 3,6 secondes
C’est un entraînement précis, il nécessite une bonne concentration, D’une part afin de ne pas se laisser surprendre par le bip de départ puis d’être attentif aux bips intermédiaires de synchronisation de l’allure. Cependant le premier intervalle est particulier puisque le sportif démarre arrêté. Compte tenu de la mise en action progressive, et afin d’être en phase avec le bip lors du passage au niveau du 2 ème cône, il existe deux solutions, soit réduire le premier intervalle de 1 ou 2 m (à ajuster en fonction de la distance à parcourir), soit anticiper le départ au cours du compte à rebours et à commencer à courir dès le deuxième ou troisième bip du CR, et donc de réaliser un départ légèrement lancé.
Figure 7 : Particularité de la mise en action sur le premier intervalle en base 3
Dans le football professionnel j’ai pu utiliser ce moyen de travail pour la réathlétisation des joueurs blessés. En matérialisant des ateliers, avec des niveaux de difficulté croissante, il permet de proposer un dosage fin de la progression de la vitesse de déplacement. Le joueur commence par exemple à 10 km/h en fonction de ses possibilités, s’il ne ressent pas de douleur, il passe au couloir suivant et ainsi de suite.
Conclusion
– Les exercices intermittents courts, lorsqu’ils sont exécutés à la VMAi permettent non seulement d’atteindre la consommation maximale d’oxygène et mais surtout de maintenir une sollicitation élevée de celle-ci pendant une longue durée, ce qui améliore l’endurance aérobie.
– Le 30s-30s est la forme des exercices intermittents la plus adaptée pour développer le système cardiovasculaire et l’endurance aérobie dans les zones de hautes intensités. C’est ce qui lui a valu l’appellation de: “30s-30s prototype de l’intermittent”. Pour une même intensité, aucune autre forme d’exercice intermittent de la classification fonctionnelle, ne permet de faire un volume detravail aussi important sans baisse d’intensité et sans dérive cardio-vasculaire.
– Le 36s-36s est une alternative recommandée plutôt au niveau scolaire car elle permet aux élèves de comprendre plus facilement les notions de VMA, et de donner des repères techniques aux professeurs d’EPS pour établir les allures de course individualisées et adaptées aux niveaux des élèves lors des exercices de demi-fond.
– Le 36s-24s est la variante la plus difficile car la réduction de la récupération à 24 s durcit nettement l’effort, et augmente la charge interne du bloc, ce type d’intermittent est à proposer à des sportifs ou élèves d’un bon niveau.
– L’intermittent en base 3,6s permet un dosage précis des vitesses de courses, donc très intéressant pour apprendre à courir à allure régulière grâce à l’émission des bips de synchronisation toutes les 3,6s. Dans le milieu sportif, en permettant progression finement dosée, c’est un excellent outil pour le dosage d’une rééducation d’un sportif en phase de retour sur le terrain après une blessure.
Bibliographie :
L’entraînement sportif, les exercices intermittents aspects scientifiques et pratiques. Editions Ellipses
2022 H.Assadi G.Gaco